Quand l’on pense maîtriser.

J’ai eu l’opportunité de participer à une formation organisée par l’AGREF (association française des personnels d’Entretien des Terrains de Golf), qui s’est révélée très enrichissante.
Ce stage de perfectionnement, animé par Monsieur PAQUIS (Consultant indépendant spécialisé en pulvérisation), m’a donné une vision extrêmement pointue de l’utilisation des cuves (matériel permettant d’effectuer des fertilisations liquides et des traitements de contrôle des maladies et adventices).
cuve de traitement

En 2006, j’avais eu l’occasion de découvrir lors d’une réunion professionnelle « l’utilisation du bas volume », c’est-à-dire traiter de grandes surfaces avec un minimum d’eau (moins de 80l/ha). Cependant, cette nouvelle formation a changé ma compréhension du procédé. Nous n’avons pas passé notre temps à parler de bas volume, mais comment réussir à optimiser nos positionnements de bouillie (mélange d'eau + produit ou produits).

 La vraie question n’est plus :
·         Le produit fonctionne ou ne fonctionne pas
Mais
·         quels sont les paramètres indispensables pour optimiser à son maximum le produit et notre travail ?

Monsieur PAQUIS m’a mis face à de vraies questions qui ont remis en cause certaines de mes croyances.

Pour ma part, les points les plus importants d’une pulvérisation étaient :
1.       La qualité de l’eau
2.       La quantité d’eau apportée selon le type de produit (systémique, de contact ou racinaire)
3.       Le vent
4.       La température
5.       L’hygrométrie de l’air
Le reste dépendait exclusivement de la qualité du produit en place.

Dans l’ensemble, je n'avais pas tout à fait tort, mais j’oubliais et j’inversais des points clefs.
1.       La qualité de l’eau
2.       La taille des gouttelettes et leurs nombres
3.       L’hygrométrie
4.       La période de pulvérisation
5.       Le vent et la température
6.       Le choix des adjuvants

La qualité de l’eau est l’élément le plus important à contrôler, car c'est le facteur limitant. C’est, principalement, l’élément qui a le plus de chance de faire échouer un traitement ou une fertilisation.
Il est évident que le potentiel hydrogène (pH) a un intérêt. Nous nous devons de rapprocher au maximum le PH de l’eau à celui de la solution à mettre en place. 
Cependant, le plus important est le contrôle de la qualité chimique de l’eau utilisée. Il est impératif de casser les ions carbonates (calcium, magnésium, sodium), qui inhibent ou déstabilisent certaines molécules de nos produits. Pour ma part, je transforme ces carbonates en nitrate (de chaux, magnésium et sodium) qui sont alors directement assimilables par les plantes. Cette réorganisation des molécules est possible grâce à l’ajout d’acide dans l’eau.
Dans ces conditions, les molécules fertilisantes ou chimiques sont beaucoup plus efficaces.
PH mètre

La taille des gouttelettes est le deuxième point clef à contrôler. Jusqu’à présent, je raisonnais en quantité d’eau. Plus je mettais d’eau par hectare plus la plante était recouverte de bouillie, jusqu’au point de ruissellement que je considérais être à 600 litres de bouillie par hectare.
Ce que m’a fait comprendre Monsieur PAQUIS, c’est que la réussite d’un traitement dépend bien évidemment du recouvrement de la plante, mais faut-il encore que les gouttes arrivent sur la cible et qu’elles restent sur celle-ci.
Je m’explique, pour un traitement il faut :

Type de traitement
Nombre de gouttes par cm²
Diamètre de la goutte
Racinaire
20 à 30
 200 à 350 microns (voire plus)mais privilégier l’humidité du sol
Systémique
40 à 50
150 à 300 microns
Contact
50 à 70
150 à 300 microns
Attention même pour un racinaire, il est possible d’être à 250 microns, mais ce n’est pas dramatique si les gouttes sont plus grosses, c’est le cas avec  certaines buses.

Taille des gouttes en micron
Impacts par cm²
20
30
40
50
60
70
150
3.5 l/ha
5 l/ha
7 l/ha
9 l/ha
11 l/ha
12 l/ha
250
16 l/ha
24 l/ha
33 l/ha
41 l/ha
48 l/ha
54 l/ha
350
45 l/ha
67 l/ha
90 l/ha
112 l/ha
135 l/ha
157 l/ha
450
101 l/ha
151 l/ha
202 l/ha
252 l/ha
303 l/ha
353 l/ha

Litre par hectare de bouillie
*Approche théorique suite aux études liées au Girojet

Actuellement, j’effectuais des traitements entre 150l/ha pour les produits systémiques et 600l/ha pour des produits racinaires. Comme l’on peut le constater sur le tableau, mes quantités d’eau transportées étaient bien trop importantes, ce qui entraînait différents problèmes.
·         L’eau étant un facteur limitant, il faut limiter son utilisation, ou la corriger pour l’harmoniser au type d’intervention.
·         Le poids supplémentaire peut entraîner des compactions selon les pneumatiques utilisés.
·         Perte de temps lors des préparations
·         Mauvais positionnement

Une fois que l’on a assimilé le concept, il nous reste à comprendre un deuxième point. Plus haut, je vous expliquais que le but recherché est que la goutte arrive à sa cible et reste sur celle-ci. Pour cela, nous devons absolument éviter des gouttes inférieures à 100 microns, qui auront tendance à sécher avant même d’entrer en contact avec le végétal. Il est également important de comprendre que les gouttes supérieures à 350 microns ne pourront jamais se maintenir sur le limbe de la plante. Dans les deux cas, c’est du produit non utilisable par les plantes et donc perdu.
Ils nous restent plus qu’à déterminer la taille des gouttelettes à l'aide d'un papier hydro-sensible et grâce à la donnée du diamètre médian volumétrique (le VMD).
papier hydrosensible (http://www.agriculteur-normand.com/actualites/pulverisation-les-buses-au-crible-du-papier-hydrosensible:QNKHSWS2.html)

L’hygrométrie doit être comprise entre 90 et 60%, cependant même dans cette plage, il y a différents résultats :
Hygrométrie de l’air en %
Survie de la goutte en %
90
95
80
90
70
85
60
80

Encore une fois, pour optimiser l’efficacité de l’opération, il est préférable de traiter au moment où l’hygrométrie est à son maximum.
Pour les produits systémiques, comme les engrais ou certains fongicides, il est fortement recommandé de traiter tôt le matin, car la graminée est à son optimum pour les échanges effectués au niveau du limbe.
station météorologique

Les adjuvants permettent d’améliorer l’efficacité des molécules. Il existe différentes familles que l'on peut utiliser selon le type de résultat recherché.
Famille d’adjuvant
Effet
Traitement concerné
Les pénétrants 
Ex : les huiles
Améliorent la pénétration des molécules dans la plante
Systémique
Les mouillants et mouillants adhésifs

Améliorent l’étalement des gouttelettes, ils peuvent aussi avoir un effet collant
Contact voire systémique (plus de surface d’échange)
Les humectants
Augmentent le temps de séchage sur la cible. Ceci permet d’augmenter l’assimilation des produits.
Contact  et systémique.
 ils ne remplacent pas pour autant l’hygrométrie.
*D’autres groupes d’adjuvants et de  fonctionnalités existent et peuvent être utilisés à bon escient pour lever le ou les facteurs limitatifs nous préoccupant.
Cependant, il faut garder à l’esprit qu’ils ne remplacent pas les conditions de pulvérisation optimum.

Une fois tous ces paramètres pris en compte, nous pouvons alors commencer notre travail en sachant que nous avons mis toutes les chances de notre côté pour optimiser au maximum l’efficacité de la bouillie.

C’est aussi pour ces raisons qu’il m’arrive de repousser des traitements prévus. Il faut impérativement que toutes les conditions techniques et météorologiques soient au vert.

Commentaires