Le carottage est-il obligatoire ?



J’ai commencé l’apprentissage du métier en 2003 sous la responsabilité de Robert JULES. C’est à cette époque que l’on m’a enseigné l’art d’entretenir un green sans effectuer un carottage.

À quoi sert un carottage ?
L’objectif premier de cette opération mécanique est d’extraire le feutre en excès sur la surface.
Par conséquent, cet entretien va créer des cheminées d’air autour des quelles une grande activité biologique se mettra en place. Le sable apporté pour stabiliser le sol durcira temporairement la surface.

Les inconvénients du carottage
  • Tâche lourde et stressante pour la structure et les équipes. 
  • Gêne importante du jeu sur une période relativement longue, créant mécontentements et  annulations de green-fee.
  • Travaux rarement effectués à la bonne période dût au calendrier des compétitions. Ce qui peut, dans certains cas, allait à l’encontre des objectifs recherchés (multiplication du pâturin annuel).

Comment peut-on se passer de carottage ?
La réponse est simple, mais complexe à la fois. Pour se passer de carottage il faut contrôler la production de feutre. Pour ce faire, nous mettons en place différentes stratégies qui permettent un contrôle et une dilution efficace de la production de matière organique.
  1.   Le sablage
  2.  La fertilisation
  3.  L’arrosage
  4.  Les aérations


Le sablage
Voilà un mot qui fait peur, quelquefois à juste raison. Lorsque je parle de sablage, je sous-entends top dressing (apport léger de sable). Pour démystifier cette opération je vous invite à effectuer ce petit test, remplissez une bouteille d’eau de 25cl avec du sable et étalez le contenu de manière homogène sur 1 m². 


Ce qui est important ce n’est pas la quantité de matériaux mis en une seule fois, mais la fréquence des opérations. Plus la fréquence sera élevée, plus la quantité de sable apportée à chaque passage sera faible et moins la gêne ressentie par le joueur sera importante et, surtout, meilleur sera le résultat.
Actuellement, nous n’utilisons ni plus, ni moins de sable qu’un site effectuant deux carottages annuels, mais nous diluons toutes les quantités chaque semaine du démarrage de la végétation jusqu’à la mise en dormance des graminées. Le but final est de créer un profil homogène, sans accumulation de matières organiques brutes. Toute la production de feutre est, ainsi, associée au grain de sable permettant d’obtenir une surface ferme, filtrante et non spongieuse.

Tableau de fermeté green (plus la valeur est faible, plus le green est ferme)
Green
Moyenne mars 2018
Moyenne mars 2019
1
0.47
0.35
2
0.47
0.33
3
0.5
0.37
4
0.5
0.34
5
0.48
0.33
6
0.47
0.33
7
0.48
0.32
8
0.5
0.37
9
0.42
0.3
10
0.5
0.33
11
0.45
0.33
12
0.49
0.34
13
0.51
0.34
14
0.51
0.32
15
0.50
0.35
16
0.50
0.31
17
0.49
0.36
18
0.48
0.34
 
Les grains de sable sont parfaitement mélangés

profil homogène

La fertilisation
C’est un paramètre fondamental. Elle va conditionner les quantités de sable apportées. Plus nous allons nourrir la plante, plus celle-ci va produire de matières qu’il faudra alors diluer. C’est dans une optique de contrôle absolu que nous pratiquons une fertilisation essentiellement basée sur des pulvérisations foliaires. Le principe est simple, nous apportons de manière très fréquente de petites quantités d'azote directement assimilables (spoon-feeling). Les doses d’engrais sont calculées à partir des moyennes de température (MNSL), ceci permet de contrôler la pousse à son strict minimum sans effet de pousse yoyo, mais en garantissant la bonne santé de la culture.

L’arrosage
Nous pouvons tous visualiser les conséquences d’un accident d’arrosage mal géré ou mal implanté :
Zone sèche (sous- arrosage)
Zone molle et lente (sur- arrosage)
Ce qui est moins visible, c'est ce qui se passe sous nos pieds. Notre manière de gérer les apports d’eau va influencer la qualité de la plante, du jeu, mais aussi la qualité et quantité de vie du sol.
Dans la gestion du feutre, c’est cette vie microbienne qui m’importe car c’est une alliée incontournable dans la dégradation de la matière. Il est important de garantir aux bactéries des conditions optimales de développement et cela passe par :
Un contrôle permanent du taux d’humidité des sols.
Pour cela, nous utilisons une sonde portative permettant de vérifier, point par point, les zones à arroser soit en ultra localisé soit en totalité. L’objectif est de ne surtout pas créer de zones sur –arrosées ou sous- arrosées qui seraient néfaste aux bactéries.
Un deuxième point important est la fréquence d’arrosage. Il est important en période de faible risque de dry patch d’espacer au maximum les arrosages afin de forcer les graminées à chercher l'eau en profondeur. Cette méthode permet d’allonger les systèmes racinaires sur une grande partie du support de culture, ce qui limite le cumul de matières  sur les premiers centimètres.

Partie de la plante
Pourcentage de lignine (constituant du bois)
Feuilles
4
Tiges
4
Racines
14

Les aérations
Comme expliqué ci-dessus, la vie des sols est impérative pour décomposer le feutre, or pour qu’il y ait de la vie il faut de l’oxygène.
Se passer de carottage ne signifie pas se passer d’opérations mécaniques permettant de faire circuler l'oxygène et l'hydrogène.



Conclusion
Depuis 2011, nous n’avons effectué aucun carottage, nous avons réussi à :
  • Maintenir la quantité de matières organiques sous les 4%.
  • Augmenter la fermeté et la régularité de nos greens.
  • Les greens sont jouables rapidement après une forte pluie.
  • La roule a augmenté, été comme hiver.
  • Nous avons effectué des économies de consommables (engrais, sable, essence …)

Bien entendu, la réussite de ce programme nécessite de partir sur une base de travail saine. Cette méthode s’appuie sur un entretien intensif et régulier qui laisse une grande place à l’écoute du gazon et du sol. Cependant cette méthode de travail ne me permet pas de dire que je pourrais toujours me passer de carottage dans les saisons à venir.

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